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Le hasard : une arme pour le cinéma

Au cinéma le hasard, les imprévus et les aléas sont partout, comme dans la plupart des arts.

Plus encore peut-être au cinéma que dans certains arts, faire un film c’est impliquer un grand nombre d’individus et utiliser des techniques importantes, donc multiplier les risques d’imprévus et d’aléas causés par une forme de hasard qui intervient dans un film malgré l’organistasion, on pense par exemple au brouillard lors du tournage du Cuirassé Potemkine qui s’est fait révélé, en raison du talent des équipes et de leur faculté à s ’adapter aux aléas, un atout majeur pour l’œuvre. Mais le cinéma peut aussi utiliser le hasard à son avantage. Il existe en effet de nombreux réalisateurs ou de genres cinématographiques pour lesquels le hasard est ou fut un matériaux capital.

Si rien n’est laissé au hasard, par exemple avec le réalisateur français Méliès qui transpose devant l’appareil la frontalité théâtrale et développe les effets spéciaux rodés aux musiques




Les frères Lumière eux laissent toute sa place au hasard dans leurs « vues ». Pour chaque «vue», qui dure 50 secondes, est choisi un « point de vue » , pendant ce bref temps quelque chose peut arriver. Les frères Lumière ne voulaient que «prendre la nature sur le vif» comme ils disaient souvent.

Ils ont su composer au mieux avec l’espace du cadre, le temps de la prise de vue et le hasard.



Matériaux constitutif de la prise de vue par excellence, le hasard figure pour André S.Labarthe, un de nos réalisateurs français, comme «ce qu’il y a de plus concret dans l’image, ce que la caméra enregistre le plus objectivement». Il est même considéré maintenant comme un processus artistique et/ou matériaux de récit forcément initiatique.

D’un point de vue historique le cinéma moderne ouvre ses portes aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, .

En effet le Néoréalisme selon Roberto Rossellini, réalisateur italien, veut rendre à l’homme d’après la Shoah sa vraie mesure.

Dans son film Stromboli par exemple Ingrid Bergman incarne un personnage qui n’a plus aucun moyen de communiquer dans un monde dont il ne connaît plus ni la langue, ni la culture, ni les moeurs, et qui doit chercher par en haut une issue à sa solitude désespérée.

Ici l’acteur lui-même doit en effet endosser cette souffrance de l’homme, livré, sans l’appui du scénario, aux « hasards » et aux aléas de la situation et c’est la personne de l’acteur et non le personnage qui doit supporter cette situation parfois physiquement violente et avec sensations et émotions. Le cinéma moderne poursuit ce travail.

D'un point de vue technique les nouvelles technologies des années 1950-1960 du son et de l'image débarrassèrent la production cinématographique de son appareillage lourd et pompeux et permirent, autant en France, au Québec qu'aux États-Unis et ailleurs, de filmer avec beaucoup plus de malléabilité, grâce entre autres à l'apport d'une équipe de tournage réduite. Le hasard devenait à cette époque un facteur de production constamment présent et un élément esthétique central.


Par exemple avec son film les glaneurs et la glaneuse, Agnès Varda revisite ces sentiers battus dans un cinéma documentaire réflexif.

Mais il s’agit ici d'un cinéma réflexif renouvelé par son médium moyen d'expression,

la caméra numérique, cherche à nous montrer l'apport à l'intérieur de ce processus de rénovation numérique du cinéma.


Durant le film une caméra enregistre le réel pro-filmique en plus de nourrir le sujet du film puisqu'elle devient l'outil privilégié du glanage et de la glaneuse elle-même.

Les glaneurs et la glaneuses, c'est donc la petite histoire d'une caméra réinscrivant la cinéaste dans la communauté et jouant du hasard sans se l'approprier, afin de parler du réel, du cinéma et de soi.

Le hasard étant donc roi dans cette nouvelle approche du réel, il permet à la cinéaste non pas que de glaner des objets particuliers (elle trouve une toile d'amateur sur le glanage, ainsi qu'une horloge sans aiguille, où le temps s'arrête, au-delà de la vieillesse), mais aussi de croiser des gens extraordinaires qui, s'approchant ou non de la thématique centrale du glanage, sont insérés à l'intérieur du film puisque la seule logique narrative constitutive n'est pas ici le thème ou le discours, mais bien la subjectivité et la sensibilité de la cinéaste qui dévoile son travail.

Revenons maintenant à notre époque, avec le film « Match Point » sortit en 2005, l’histoire d’un homme nommé Chris Wilton, issu d’un milieu modeste, il donne des cours de tennis dans un club huppé. Sa rencontre avec Tom Hewett lui ouvre les portes de la haute société Londonienne. Il se marie avec Chloe, la sœur de Tom, mais la passion qu'il éprouve pour Nola Rice, jeune comédienne américaine, bouleverse ses projets. Il improvise donc un crime contre celle-ci de manière à garder son confort auprès de sa femme Chloé, et le processus du hasard contribuera à la victoire de son projet. Pour assurer la crédibilité de la scène Chris tue aussi la voisine et fait croire à un vol, Nola ne représente pour les policiers qu'un dommage colatéral alors qu'elle est à la base l'unique cible du crime de son amant.


Le film s’ouvre sur sur l'image au ralenti d'une balle suspendue au dessus d'un filet de tennis une métaphore concrète du hasard décidant de la victoire ou de la défaite. Malgré le parcours sociale du personnage principal Chris Wilton déjà préméditée, le réalisateur s’attache à souligner la part de hasard qui contribuera à son ascension. Tout d’abord dû aux trois rencontress déterminantes avec Nola, mais surtout grâce à un rappel du premier plan lorsque l'anneau volé sur la vieille dame fait écho à la balle de tennis indécise du début cette séquence représente la métaphore du hasard mais surtout chance de Chris. Cet ironie du destin, et du réalisateur, en jetant maladroitement l'anneau qui prouve sa culpabilité, assure paradoxalement l’impunité de Chris, ce hasard est un coup de chance pour le personnage pour qui son destin en dépendait.


Match Point questionne donc le hasard, et de manière générale ce film base son histoire sur ce processus qui engendre une victoire ou bien une défaite selon ce que l’on appel « chance ou malchance ». Pour tous les personnages du film hormis Chris, la mort de Nola est seulement le résultat de la malchance, et pour Chris et les spectateurs, la mort de la voisine est le résultat de la malchance.


« On n'ose pas admettre combien la vie dépend de la chance » voilà ce que nous dit la voix off du début, en effet le hasard peut être contre nous ou avec nous mais cela veut-il dire que notre vie (rencontre, plaisir, découverte…) est basée ou résulte du hasard ?

A l'instant où la balle frappe le haut du filet, elle peut, soit passer de l'autre coté, soit retomber en arrière. Avec un peu de chance, elle passe et on gagne... ou, elle ne passe pas, et on perd.


De manière générale Match Point utilise la notion de hasard comme un acteur et une décision de l'histoire de la vie du héros. Ici le hasard est ni présent, ni utilisé comme technique cinématographique, mais il est bien intégré à l’histoire du film et fait même partie du sujet principal et de l’intrigue.

Match Point traite du hasard et offre aux télespecatteurs une reponse indirecte sur l'action du hasard dans nos vies et ainsi du resultat de la chance ou de la malchance.



“Le génie est le hasard de la technique et la technique de ce hasard" 

 

 Louis Gauthier

 

       

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